•     Décidément le buzzmarketing, ou ce qu’on appelle communément le marketing de bouche à oreille, est sur toutes les lèvres. Si à l’international, le web fait retrouver ses galons à cette manière de communiquer, l’utilisation de ce nouveau procédé marketing, au Maroc,  n’a pas encore la place qui lui revient. Pourquoi ?


         Avant de passer en revue quelques raisons, voyons voir du côté des professionnels de la communication marketing au Maroc, et ce qu’ils en pensent.

         Ainsi, lors de déclarations parues dans un magazine spécialisé de la place (janvier 2010), les différentes personnes opérant dans le secteur de la communication marketing qui ont été sollicitées ont affirmé que le buzzmarketing au Maroc n’est pas pour demain. Voici pourquoi, selon eux :

         1- «Le buzz au Maroc est à l’état embryonnaire. Il n’est adapté qu’aux produits hauts de gamme. Il ne concerne que des utilisateurs du Net qui passent par Google plutôt que par Meetic. Internet ne peut donc fonctionner pour des produits de grande consommation […]. De plus, et d’une manière générale, annonceurs et agences sont encore frileux en la matière. La position dominante est que ce média, [le buzz], n’a pas vraiment d’importance».

         2-«C’est trop tôt, le Maroc n’est pas mûr pour ce type de dispositif. Aux Etats-Unis ou en Grande Bretagne, ça marche, c’est indiscutable. […]  Alors le buzz…, même si les Marocains sont fans de Facebook, je ne crois pas encore au marketing viral».

         3- «On joue sur un effet de levier et on cherche l’amplification à travers des renvois multiples d’un message comme un virus informatique».

         4-«Mais les internautes doivent avoir de vraies raisons de parler des produits. Il faut aller chercher les fans. Voir ce qu’ils disent spontanément de la marque et quelles infos, ils relayent. Il faut communiquer auprès d’eux et les renseigner. Ceux-là démultiplient le message mais uniquement s’ils le jugent pertinent».

         Des précédentes déclarations, on conclue ce qui suit : Le Buzz est propre à Internet ; il n’est pas très sollicité par les entreprises marocaines encore frileuses à l’égard de ce procédé ; encore moins par les agences publicitaires ; il concerne essentiellement les produits; il est mené comme une opération de marketing viral ; la diffusion du message s’appuie sur le marketing d’influence et la fonction de relai est centrale. L’intérêt du relayeur doit être pris en compte.

         Le Buzz, késako ?

         Avant de répondre à une telle question, un rappel de sa pratique s’impose. A cet égard, il est important de noter que le buzz est considéré comme une méthode alternative aux moyens utilisés par le marketing traditionnel parce que le consommateur devient de plus en plus méfiant face à tout message publicitaire direct. Le principe étant de contourner ses suspicions, en éliminant le caractère unidirectionnel du marketing traditionnel et en abordant les cibles différemment.

         A cet effet, les approches alternatives, (buzzmarketing ; marketing viral ; marketing d’influence ; le Consumer generated Media ; etc.), s’appuient sur une vision interactive de la communication et  considèrent, donc, leur public visé en termes de communautés organisées sous forme de réseaux au sein desquels le message rediffusé à droit à des modifications.

         Ces techniques alternatives, qui visent à créer un lien entre ces communautés et la marque (ou le produit) ont ainsi trouvé dans les moyens NTIC en général, et Internet en particulier, les espaces de diffusion idéale. Le buzzmarketing s’inscrit dans cet esprit. Pour pénétrer un groupe, ou en créer, et le faire participer à la rediffusion du message pour plus d’adhésion de la part de la communauté cible, le buzz obéit à quatre étapes tout au long desquelles le degré de pénétration gagne en puissance : la période de la conception (L’Igniting) ; le contact du premier groupe qui va initier le buzz (Le Teasing), la phase durant laquelle ce premier groupe se met à rediffuser (Le Seeding) et enfin le moment de la récolte durant lequel le plus grand nombre de cible est atteint (le Spreading).

         Notons au passage que toutes ses étapes stratégiques sont orchestrées dans le cadre d’un marketing relationnel qui tourne autour de la marque ou du produit. Sous cet angle le buzzmarketing s’apparente dans sa conception et sa pratique au marketing viral.

         Buzz, bourdonnement et rumeur

         Apparemment la notion est infectée parce qu’aussi bizarre que cela puisse paraitre pour certains, le buzz  est loin de relever du marketing viral.

         Certes, ils possèdent, tous les deux, des similitudes ne serait-ce qu’au regard des phases citées plus haut. Il n’en demeure pas moins que bien des fondements les séparent. Ces fondements souffrent d’un certain flou qui semble envelopper le concept du buzz. Ce flou est dû à plusieurs handicaps.

         Le premier, relève d’une question épistémologique. Il tient à la traduction qu’on a faite du terme buzz. Traduttore, traditore dit l’expression. Cette paronomase italienne signifie : traduire c’est trahir. En effet, l’anglicisme «buzz» induit vite en erreur. Si ce mot signifie littéralement le bourdonnement (or, il a d’autres synonymes en anglais), cela ne revient pas à dire qu’il suffit d’organiser des évènements particuliers dont le but est de « faire du bruit »  autour  du produit ou de la marque, pour parler de buzzmarketing.  Le concept du buzz implique un bruit de fond porté par la communauté. Il ne se limite pas à ce bourdonnement qu’on peut créer autour d’une marque ou d’un produit.

         Pour créer un bruit de fond au sein d’une communauté, le message du buzz doit être porté de bout en bout par la communauté elle-même. Deux cas de figure se présentent alors. Soit, le message a été parachuté au sein de cette communauté et son initiateur reste identifiable. Il y a, alors, un lien. Soit, le contenu du buzz ne laisse voir aucun lien et donne donc l’impression d’être mystérieux et de source inconnue.

         Sous cet angle, la véritable expression équivalente de la notion BUZZ, n’est pas le bourdonnement. La signification du terme oscille alors entre l’expression «bouche à oreille» et l’une de ses variantes : la rumeur. En effet, l’information diffusée peut être vraie ou passée pour vraie. Dans le premier cas, le marketing du bouche à oreille relèverait du  viral, dont le marketing relationnel est une étape. Quand l’information est pseudo vraie, c’est la notion de la rumeur qui entre en jeu.

         Le bouche à oreille bourdonnant et la rumeur prêtent donc à confusion. Pour mieux cerner les nuances, rien de mieux qu’un détour chez les abeilles inspiratrices de la traduction faite du concept. Le bourdonnement chez ces championnes en communication est une forme de transmission du message, vous en convenez. Lors d’un bourdonnement massif, il s’agit d’attirer l’attention du groupe. Les abeilles font du bruit communicatif autour d’un sujet d’intérêt commun.  Et la communication est relayée au reste du groupe.

         Remarquez à cet effet que les abeilles  communiquent toujours autour d’une cible. Cette cible présente un intérêt (ruches, fleurs,…), et un enjeu ; tous deux liés à la survie de l’espèce.  Le bourdonnement chez les abeilles relève d’une communication vraie puisque l’enjeu de la communication est réel et puisqu’il existe une donne concrète pour le vérifier.

         Le buzzmarketing, dans sa conception virale, peut être considéré comme une opération de bourdonnement. L’information y demeure toujours vérifiable. Ce qui n’est pas le cas dans le marketing de la rumeur.

         Qu’est-ce que, donc, une rumeur?  Alpport et Postman la définissent comme suit : «La rumeur est une affirmation présentée comme vraie sans qu’il existe de donné concrète permettant de vérifier son exactitude».  Une pseudo-affirmation maquillée en vérité. Et pas de donné concrète pour la vérifier. Aucun lien avec la partie initiatrice. Le plus important c’est le rôle et l’enjeu de l’individu qui se l’approprie et en fait usage. Cela explique pourquoi les professionnels sont unanimes sur un fait : dans le buzz, le contrôle de l’information échappe à l’entreprise. Ce qui n’est pas le cas dans le marketing viral.

         Buzz «contaminé» VS marketing de la rumeur

         Si on considère que le contrôle du message représente un risque face à tout opération de buzz, c’est parce qu’on voit ce dernier  avec les yeux du marketing viral. Les similitudes en sont pour quelque chose. Pour mieux cerner celles-ci procédons de manière opposée. Eclaircir les différences.

       Par exemple, au niveau des objectifs. Le marketing viral obéit à des impératifs commerciaux notamment celui de booster les ventes, améliorer la sympathie à l’égard de la marque, etc. Or, la rumeur en tant que mode de diffusion ancestrale a d’autres objectifs, dont le marketing peut en tirer profit. Ceux-ci dépendent de plusieurs facteurs.

       D’abord celui de la motivation. En effet, si le marketing viral tire la sienne d’une entreprise, d’une idée, d’un concept ; celui de la rumeur comme vieux média de l’humanité pioche sa motivation dans des centres d’intérêt bien plus profonds : tabous, phobies, croyances ; mythes ; sexe, argent…

         Par ailleurs, le marketing viral met l’accent sur la valorisation de l’individu en le faisant participer dans la rediffusion du message, alors que la rumeur offre un autre statut à celui qui interagit avec le  message. L’individu ne se sent pas juste un re-diffuseur. Il se légitime ce message.  Il y trouve une satisfaction qui obéit à ses propres valeurs et le diffuse, parce qu’il y voit un intérêt certain pour son destinataire. La motivation propre à chaque individu est donc plus forte et est susceptible d’aiguiser celle du destinataire.

         En outre, l’individu selon l’approche virale diffuse un message pour générer un comportement. Sa participation tient à son adhésion. Dans la rumeur, il intervient pour exprimer sa pensée tout en niant connaitre l’initiateur ou adhérer à l’information. Il se l’accapare, en use en toute légitimité, sans pour autant que cela ne l’engage en quoi que ce soit. Or, dans les actions de type marketing viral, on vise à instaurer un lien ; autrement dit, un engagement. La source du message reste identifiable et les traces de la marque sont toujours là,  même si l’on considère la marge laissée à l’individu dans la modification du message, lors de sa rediffusion.

         Paradoxalement, dans la rumeur: l’origine doit toujours rester mystérieuse. En effet, dans la rumeur, la seule chose qui prime c’est la valeur de l’information elle-même, en dehors de la présence de toute trace initiatrice.

         En effet, si le marketing viral obéit à une approche initiatrice, la rumeur, elle, se base sur une attitude réactive de la part de l’individu. Pourquoi ? Parce que la valeur de l’information tient à des raisons propres à l’individu. Ces raisons tirent leur motivation des centres d’intérêt qui lui sont propres. Dans ce cas, l’individu ne communique pas parce qu’il adhère, mais plutôt parce qu’il exprime sa pensée.

         Par ailleurs, si le mode de diffusion dans le marketing viral est de type concentrique, dans le monde de la rumeur, il obéit davantage aux distorsions excentriques du réseau.  Certes, la rumeur, aussi, se base sur la contamination. Mais, les fondements ne sont pas les mêmes. Si ceux du marketing viral sont orientés vers et par le monde numérique ; ceux de la rumeur s’appuient davantage sur des processus internes à l’individu entant qu’entité qui pense. C’est ce qui fait dire à certains spécialistes qui se sont penchés sur la question que «le marketing viral est principalement porté par les médias numériques. Il ne fait que de se transmettre de machine en machine, contrairement à la rumeur qui, plus insidieuse, pénètre le cerveau».

         C’est d’ailleurs pour cette raison que le buzzmarketing, dans sa pratique, reste tributaire d’Internet. Cela se comprend dans les pays développés. Si l’impact du buzz y est indiscutable, c’est parce que la toile est aussi un espace commercial. Au Maroc, il est encore juste une vitrine. Le buzz au Maroc ne peut pas être porté par la toile, parce que le Marocain ne s’y connecte pas en tant que consommateur. Le commerce en ligne au Maroc est un tout autre sujet qui mérite réflexion. Toutefois, le buzzmarketing peut ouvrir de nouvelles perspectives s’il est considéré en tant que marketing de la rumeur.

         Dans un pays comme le nôtre, le marketing de la rumeur ne peut pas mieux trouver comme milieu. A conditionne de pouvoir en créer. Serait-ce difficile dans un pays où la rumeur est à l’information ce que le « téléphone arabe » est à la communication ?


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  •      La stratégie marketing influence énormément la création publicitaire. Cela se manifeste au niveau de la composition des significations du message. Celui-ci doit faire écho à la stratégie marketing de l’annonceur. C’est tout le volet communicatif qui doit s’ingénier pour positionner idéalement le produit. Hélas, cela ne se fait pas sans risques.

          Si la composition des réseaux de signification, dans le cas d’une campagne publicitaire, ne fait pas percevoir le positionnement du produit, celle-ci portera atteinte, ipso facto, aux objectifs de la stratégie marketing de l’annonceur. Il en va, alors, de la cohérence des quatre fondamentaux du marketing-mix. Le positionnement est, donc, aussi important que le thème, l’idée-force, etc. C’est un outil incontournable en termes de segmentation du marché. Cependant, la maîtrise du positionnement dans l’acte de création, n’est pas chose aisée.

          Création : Frapper (par) les esprits !

         Pour éclairer quelques risques que l’on peut rencontrer, je vais procéder par un exemple. Prenons le cas d’une entreprise qui veut promouvoir un produit et pour laquelle deux cas de figures peuvent au moins être supposés : ce produit est bien positionné sur le marché ou ne l’est pas ou peu (nouveau ou déjà inscrit).
         Soit, il possède une idée forte et/ou un contexte pertinent ; soit il se rattache à un tas de biens concurrents et est donc commun dans sa catégorie. Si, son positionnement serait plus ou moins facile dans le premier cas, il est fortement complexe dans le second
          Considérons que nous avons le deuxième cas de figure et prenons pour exemple, un produit (un scooter, par exemple), destiné à un public mixte relevant de la catégorie des jeunes filles et jeunes garçons. Par essence, il s’agit une dichotomie basée sur l’opposition des sexes.
          Le Macro-thème est donc celui des genres opposés que le produit X tente de «réconcilier». Pour y arriver notre argumentaire doit contrecarrer la notion de l’opposition des genres.
          Admettant que la carte perceptuelle, ne nous apporte rien ou peu de données, dans la mesure où les produits concurrents disposent des mêmes atouts. Dès lors, le positionnement (ou repositionnement) devient difficile et l’argumentation qui focalise sur le genre, sans un réseau de signification qui frappe les esprits, risque de tomber dans le banal ; si ce n’est dans «l’interdit».
    En fait, l’idée du positionnement est une notion inhérente à la communication elle-même. Le positionnement ici dépasse la vision managériale. Il est aussi psychoaffectif. Autrement dit, le positionnement du produit sur le marché passe d’abord par le positionnement mental de l’image de ce produit dans la sphère psychoaffective du consommacteur. Dès lors, le positionnement mental passe inexorablement par la satisfaction de son attention. Dans le processus publicitaire, le message vise à aiguiser l’intérêt de la cible en parlant à tous ses sens. Cela signifie que toute la créativité que l’on déploie dans la composition du message, devra d’abord positionner, mentalement, la marque et le produit par le biais de thèmes importants dans la vie de la cible. Le but étant de créer un lien affectif avec le produit ou la marque.

          Les autres concurrents offrent le même produit avec les mêmes caractéristiques. Notre cible percevra notre produit comme faisant partie de ce que l’on appelle : l’ensemble évoqué. Une attitude de la part de la cible comme : «les autres X sont aussi pour filles et garçons», ne peut être contestée.
          On comprend alors que la principale mission qui incombe au publicitaire vis-vis- de son annonceur, c’est de repositionner ledit produit au sein même de cet ensemble évoqué. Cela ne servirait donc à rien de reprendre de manière simpliste le thème de la complémentarité des genres (fille-garçon) en s’appuyant uniquement sur la conception esthétique et artistique, pour supposer donner de l’efficience au thème et à l’argumentaire. Si l’on s’inquiète trop de la composition sans prendre en compte le positionning mental ainsi que celui managérial, on rate le coach.

         Quand le positionnement managérial n’est pas fort, l’efficience thématique doit dépasser les caractéristiques du produit (pour fille et garçon) et se pencher sur d’autres réseaux thématiques qui véhiculent des messages forts à propos de cette mixité des genres. Toutefois, le langage se nourrissant des codes socioculturels, on comprend qu’il faut alors, dans notre exemple, ne pas positionner la thématique fille-garçon sous son visage hermaphrodite. Le Marocain a ses propres codes culturels ; sa propre vision pour cette notion. Se positionner sans choquer, c’est contourner les interdits intrinsèques à l’individu qui a son propre système de censure.

          De l’idée motrice nait le scénario

         Sachant que ce sont les mots qui déclenchent les thèmes, on peut, dans notre illustration, procéder à des changements ou des ajouts. Par exemple, on cogite sur un degré extrême de la dichotomie, en ajoutant « uniquement pour » à « filles » et à « garçons ». On frôle alors le thème de la discrimination. On tient là, une idée motrice qui tient la route. En effet, elle a l’avantage de coller à un sujet d’actualité.
          Mon produit est pour les deux genres. Je le positionne, alors, en tant que produit engagé au sein de l’ensemble évoqué, (les produits concurrents). Il devient un produit qui a un seul «pêché» : « il n’aime pas la discrimination ! ».
    Bien avant la composition, ce slogan ; (ou un autre) qui peut survenir à cette étape ; nous donne d’emblée le ton. Prenons par exemple un autre énoncé aussi banal que celui-ci : « SANS DISCRIMINATION ; vive les filles, vive les garçons »». Il faudra dès lors positionner cette thématique dans un contexte.   
    Rien de mieux que celui de l’égalité des sexes. La discrimination entre les sexes est un sujet d’actualité au sein de notre public cible. On peut donc imaginer des scénarios où ce thème motive le récit. On pense, par exemple, à un concept qui tourne autour d’une « protestation », via une foule mixte (fille-garçon) ; via de l’affichage, etc. Ou une campagne publicitaire avec une approche marketing de type guérilla.

          Le positionnement psychoaffectif

         Quelque soit le contexte choisi, le positionnement mental du produit dépendra de l’efficience du sujet et de son importance dans les centres d’intérêts du groupe cible. Celui de la discrimination entre les sexes étant d’actualité dans le Maroc moderne, la marque améliore son image : elle est engagée pour l’égalité des sexes, c’est pourquoi, elle offre en vente le produit X.
    Ainsi, on aura positionné de manière privilégié un produit qui fait partie d’un ensemble évoqué. On lui aura donné aussi une efficience contextuelle.

         En somme, le positionnent étant une notion stratégique dans le marketing de l’entreprise, c’est à la campagne publicitaire de le mettre en valeur. Face à cette mission, les handicaps ne manquent pas. Et ce n’est ni un slogan qui sonne bien, ni une poésie en prose, ni une image « frappante » qui suffiront à faire d’une création une communication valable. Le message doit être positionné en fonction de la politique marketing du client. Bien plus contraignant encore, elle doit combler les handicaps dus au positionnement déjà inscrit d’une marque ou d’un produit. Pensons au cas d’une marque qui souffre d’une certaine confiance de la part du consommateur, parce que la première expérience de celui-ci avec la marque en question n’a pas été concluante. Ou que la réalité prouve que les produits de cette entreprise n’ont de cote que pour leur bas prix.     
          Que fait la marque, quand elle affronte un tel cas de figure ? De la publicité et de la promotion. Le publicitaire qui aura à communiquer pour cette marque, aura la lourde mission de vouloir positionner une identité handicapée. Quand David Ogilvy avait dit : «les résultats de votre campagne dépendent moins de la manière dont vous rédigez votre publicité que du positionning qui entoure votre produit», il n’avait pas du tout tort.

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  •       Le profit ne vient plus du capital. C’est tout compris. Place à la satisfaction du client. Néanmoins, deux questions nous interpellent quand il s’agit du secteur publicitaire. Le client est-il l’annonceur (celui en amont) et/ou celui à qui est destinée la création (en aval) ? Par ailleurs, si la satisfaction du premier se vérifie par sa fidélité, qu’en est-il de celle du véritable consommateur du produit publicitaire ?


           Le marketing moderne a connu des métamorphoses importantes depuis le siècle dernier. Si durant des années l’entreprise considérait que le profit venait du capital ou de sa capacité à produire, il est reconnu aujourd’hui que son développement tient davantage de la fidélité du client et de sa satisfaction. C’est pourquoi toutes les stratégies marketing modernes focalisent sur le vrai atout de n’importe quelle entreprise : le client. Celui-ci retrouve ses galons de roi. A lui, on prête attention ; sinon, en cas d’insatisfaction, il userait de l’inévitable loi de l’offre et de la demande et ira voir ailleurs.

         C’est pourquoi, la publicité, dans ses différentes moutures, joue un rôle important dans le branding de l’entreprise. Purement publicitaire ou essentiellement promotionnelle ; informative, persuasive ou dite de présence…; quelque soit sa facette, elle est un outil marketing fondamental. C’est grâce à la publicité que le consommateur est informé de la naissance d’une marque ou d’un produit. C’est aussi par son biais que vient la réplique à la concurrence. Enfin, c’est à elle encore une fois que revient l’honneur de maintenir l’existence d’une marque dans son apogée. En cela, elle obéit à son lien étroit avec le cycle de vie d’une marque ou d’un produit. A tel point que sans elle, les transactions commerciales aurait été extrêmement difficiles. Dans ce sens, elle semble être une image représentative de la stratégie commerciale de l’annonceur.


          Le client, le roi et le mythe

         Economie du marché oblige, le marketing d’une agence publicitaire est tiré essentiellement par et vers l’annonceur client (l’amont). Le service client est dédié au consommateur du produit de la boite. Son profil est précisé par le client de l’entreprise publicitaire. Or, pour celle-ci, il n’est pas uniquement celui ciblé par l’annonceur, mais n’importe quelle personne (ou communauté) ayant eu accès au message conçu ; n’importe où, n’importe comment et n’importe quand. Dans la réalité, les entreprises publicitaires occultent cette variable décisive pour un meilleur impact de la pub.

         En effet, avant le lancement d’un produit, et donc pour les besoins mêmes de l’action publicitaire, on élabore une étude marketing dans laquelle est cernée le profil du consommateur potentiel, ainsi que ses motivations comportementales. C’est le cas quand on établi une carte perceptuelle concernant le positionnement d’un produit, par exemple. L’objet d’étude d’une telle carte reste un prospect, un consommateur potentiel du produit, un client en puissance de l’annonceur qui signe le chèque. Dans ce registre, il semble que la publicité, au Maroc est davantage préoccupée par la satisfaction de son client roi que par sa principale mission: assoir les bases d’une culture publicitaire marocaine.

        Vous en convenez, la publicité a un caractère inopiné. Elle s’impose. Tout en voulant charmer. C’est comme dans la drague. D’ailleurs, il est curieux de constater que dans ce genre de situation, juste après l’interpellation, une fois que l’accroche a fonctionné, le premier sujet qu’on aborde souvent, est celui de faire connaissance. Monsieur tente d’avoir le maximum d’informations qui pourront éclairer les décisions stratégiques à l’égard de madame, qui fait de même. A chacun sa stratégie; à chacun son jeu de séduction.
          La morale ? Connaitre l’autre, pour pouvoir influencer ses décisions. Il ne s’agit pas de plaire, mais de gagner les cœurs. N’est-ce pas l’objectif de toute action publicitaire que d’éveiller les désirs et les créer les besoins ? Pour cela, dit-on, elle doit être persuasive. Or, devant elle, le marocain est-il perceptif ? Parce que sans perception, point de persuasion.


          Comment le Marocain recrée les sens ?

          Alors que nous entamons une ère interactive de la communication et vu que l’individu est au cœur de toute acte informatif, il est temps de s’intéresser au profil propre du marocain que la publicité du royaume veut draguer jusqu’à réveiller ses désirs.
         
          En l’absence d’une recherche académique qui peut jeter les jalons d’une vraie publicité avec une identité marocaine, certaines boites sur le marché sont parfaitement capables de combler cette donne. Elles peuvent se positionner dès maintenant dans des niches de demain, pour peu qu’elles créent des cellules dans la principale mission est d’élaborer des plans de recherche et mener des études qui permettraient de collecter le maximum de données particulières dont la boite a besoin afin d’éclairer les décisions stratégiques de son annonceur ainsi que les siennes.

         Il ne s’agit pas ici uniquement des informations particulières liées au marché lui-même, ou aux ventes du client, ou encore ceux qui concernent la concurrence ou les réseaux de distribution ou les motivations qui encouragent la cible ou les obstacles qui freinent son élan. Il est ici sujet de problématiques qui ont trait aux communications elles-mêmes. L’essentiel est de savoir « comment le Marocain recrée les sens ». Quand on compose des réseaux de significations, c’est qu’on suppose connaitre parfaitement les canaux inverses de note interlocuteur : ces voies qu’il emprunte pour percevoir, déconstruire, reconstruire, recréer, interagir, etc.

         Or, si la création publicitaire au Maroc souffre de concepts originaux, c’est peut-être aussi parce que le service de création n’est pas épaulé par une recherche spécialisée qui mène des études autres que celles purement marketing. En éclaireur, ce type de recherche guiderait les pas des créateurs pour une meilleure communicabilité avec le Marocain. Pour cela, elle lui fournirait des données spécifiques qui lui permettent de concevoir un message efficient. Ses données spécifiques portent sur tous les aspects qui entrent en jeu lors de la phase de perception et de représentation d’un message publicitaire chez un Marocain.

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  •      Les talents ne jonchent pas le sol. A l’image de toute chose de grande valeur, les esprits créatifs sont rares. Dans un domaine comme celui de la communication, la pénurie est bien plus criarde. Quelles en sont les raisons ? Comment faire pour cultiver l’esprit créatif ? Eclaircissements…


           Quand la création s’avère l’élément névralgique dans un système de production, elle devient vitale pour la survie et l’épanouissement de n’importe quelle entreprise. Elle est bien plus encore quand il s’agit d’un secteur aussi complexe que celui de la communication marketing. Un domaine où l’innovation, l’originalité, l’efficacité et l’efficience des procédés sont les vrais baromètres d’un concept qui tient la route.
          Or, les professionnels du secteur au Maroc reconnaissent que les créateurs de qualité, malgré la présence de quelques établissements de formation idoines, connaissent une pénurie indéniable.
    Pourquoi ce genre de profil n’est pas abondant ? Comment l’individu, comme la boite, peuvent le stimuler ? Faisons un petit détour de rappel sur ce que c’est que la créativité avant de vous apporter quelques éléments de réponse.

          C’est sûr, la notion de « créativité » a un sens large dans la mesure où elle concerne la capacité mentale d’un ou plusieurs individus à trouver une solution originale à un problème ou, mieux, concevoir et réaliser un concept totalement nouveau, ou puisé dans des pratiques devenues à la longue obsolètes.
    Ainsi, la notion de créativité peut trouver place au sein de plusieurs spécialités : architecture, mathématiques, industrie, médecine, cinéma, etc.
    Elle est, grosso modo, un comportement, individuel ou collectif, qui, par un procédé (souvent d’écart à la norme), vise à « changer ou modifier la perception, l’usage ou la matérialité d’un produit auprès d’un public donné ».

         La créativité s’évalue dans un contexte caractérisé par des délais de production serrés où les réponses (créatives) aux problèmes doivent être rapides, de quantité, efficaces, efficientes et originales. La créativité et l’innovation vont de paire. A la différence de la création artistique, celle de la communication marketing obéit à un processus de production purement mercatique. On ne crée pas selon sa vision personnelle, mais en respectant certains impératifs imposés par l’annonceur en fonction d’une stratégie marketing bien ficelée.


          Des concepts importés

         Le manque de créativité dont se plaignent les professionnels a des raisons aussi complexes que ne l’est le secteur lui même. Par exemple, il suffit de comparer les réalisations des différentes boites pour remarquer que les procédés et techniques se répètent souvent, à quelques exceptions près. Le transfert devient monnaie courante. On calque et on colorie selon le contexte intramuros.
    Certes, il y a des efforts d’adaptation des concepts importés. Mais, l’approche ne sort pas de ce qu’on pourrait appeler « une pratique de la Com à la marocaine ». D’ailleurs, il est étonnant de noter que chaque fois qu’un concept de publicité, utilisé à l’international, est réalisé, pour la première fois, par une entreprise marocaine, on crie à l’originalité. C’est plutôt une opération de transfert (pour ne pas dire plagiat, danscertaines cas) plus ou moins adaptée au contexte socioéconomique marocain.

         Peut-être que le souci que manifestent les annonceurs, quand ils demandent un produit aux standards internationaux, y est pour quelque chose. On se demande alors, si sans audace et prise de risque une réelle créativité marocaine pourrait vraiment exister.

          D’un autre côté, souvent, les professionnels, n’aiment pas non plus déroger à ce qui se fait ailleurs. Essentiellement quand il s’agit de concepts qui ont fait leur preuve dans des pays où la culture de l’image est forte. Se conformer à ces standards apporte une certaine « assurance», vis-vis de l’annonceur.
    En outre, le transfert du concept peut aussi être considéré aux yeux de celui qui réalise le projet de communication comme étant une solution adoptée par tous et donc acceptable par le marché ; sans casse-tête. De fait, il ne fait que se conformer à la norme qui prévaut dans le cas de figure se présentant devant lui.
    Ipso facto, on oublie que le recours massif aux concepts et idées qui ont fait leur preuve au Maroc ou ailleurs finit par engendrer une impression du « déjà vu » auprès du public ciblé. L’intérêt que doit revêtir le message s’en trouve donc affecté d’une certaine manière. L’un des exemples qui nous vient à l’esprit est celui de la publicité dite « lessivière ». Les spots obéissent à des scénarii semblables à tel point que le spectateur sait pertinemment comment la scène va se dérouler et en appréhende le dénouement. Certains peuvent vous donner le nom du produit bien avant que le spot le dévoile. L’approche du scénario basée sur la situation initiale, le problème puis la solution semble avoir été trop consommée. Par exemple, on retrouve une utilisation à outrance de l’argument par l’exemple dans les différents concepts.


          Esprit créatif et normes captives !

          L’esprit créatif est en perpétuel quête du nouveau, de l’original. .. On peut alors se demander si son blocage n’est pas dû aussi à un ensemble de normes, d’interdits et de tabous que tout « créateur-créatif » tente de transgresser. Quand l’imagination prend son envol, la gravité de la norme lui rappelle constamment de remettre les pieds sur terre, au risque de se voir couper les ailes.
          Entre le juridique, le religieux, le socioculturel, le budgétaire, le psychologique…, le créateur se voit tout de suite «bridé». Il se cantonne alors dans ce qui se fait d’habitude, laissant passer les occasions pour se faire un «style» ; une «signature», une «griffe».
           Or, pour être créatif dans un secteur où ce sont les idées qui font la différence, on ne doit pas ignorer que la principale qualité à avoir, c’est d’être audacieux et persévérant. Avoir de la suite dans les idées.


          De la culture avant toute chose

         A cet effet, une auto-formation continue dans presque toutes les spécialités liées au comportement humain (homme-langage) pourrait être d’un grand secours. Toutefois, certaines restent incontournables parce qu’elles nourrissent les fondements théoriques de votre activité. D’une part, elles vous donneront les moyens scientifiques pour un codage efficient. D’autre part, elles vous permettront de comprendre les outils et procédés de décodage auquel se réfère, consciemment et inconsciemment, le public final de votre création. Plus on comprend comment l’homme communique, mieux on s’adresse avec lui. Autant donc se cultiver en approfondissant les notions de base dans des spécialités telles que : la sémiotique du langage, la sémiologie de l’image, l’analyse du discours, la narratologie, la philosophie du langage, la sociologie, la linguistique, la neurologie, les approches cognitivistes, etc.

         Etudiez l’analyse faite par Roland Barthes sur l’image (l’affiche Panzani) ; passez en revue les travaux de Georges Péninou et son fameux ouvrage « L’intelligence publicitaire » ; étudiez le fonctionnement du récit chez Greimas ou Genette ; relisez les travaux de Saussure sur le signe linguistique ; redécouvrez la glossématique de Louis Hjelmslev, penchez-vous sur la déconstruction chez Jacques Derrida… Ce sont là autant de dédales qui permettent de comprendre comment l’homme communique. Et, ne serait-ce que par sérendipité, cela peut vous donner des idées gratuites qui peuvent vous rapportez gros !

          Certes, la créativité se nourrit de lecture, mais sachez qu’elle ne sera jamais au rendez-vous sans votre véritable muse : la culture du terrain. Or, pour un meilleur accès à celle-ci, rien ne vaut le fait de se mêler à votre public cible. Restez dans votre tour d’ivoire et ne pas vous abreuver de la culture de votre public cible, c’est condamner votre message à s’adresser à un interlocuteur dont vous ignorez vraiment le profil. Il ne suffit pas de se baser sur celui dressé par les études marketing. Ce profil, quoique plus ou moins cerné, reste néanmoins assujetti à des enjeux purement commerciaux. Mais, ne permet pas une meilleure visibilité communicative. Définir la cible du produit, ce n’est pas totalement pareil que définir la cible d’un acte de communication.


          Le groupe assure le progrès dont l’individu invente les outils.

         Un penseur arabe, avait dit un jour « les idées se trouvent sur le bord de la route ». Il avait raison : tout le monde en a. Ne les cherchez plus tout seul quand vous êtes dans l’impasse. Quand un individu n’arrive pas à trouver une solution à un problème donné, il revient vers son entourage. C’est là ou le recours au groupe devient important. Un «esprit a toujours besoin d’un autre», dit un proverbe amazigh, bien de chez-nous. C’est humain.

         C’est là, la motivation des différentes techniques de créativité que tout un chacun peut mettre en œuvre. Quand la structure de l’entreprise ne permet pas d’avoir un vrai management de créativité, c’est au concerné par le projet d’en user. Même si la mise en œuvre de ces procédés est souvent du ressort de la direction, leur pratique au niveau personnel n’en demeure pas impossible.

          La plus connue de ces techniques, c’est le brainstorming crée par Alex Osborn ; un publicitaire. Bien qu’elle soit très répandue, certaines études ont constaté qu’en termes d’originalité et d’efficacité des idées, les résultats ne sont souvent pas satisfaisants.

          L’une des autres méthodes qui peuvent vous faire optimiser le rendement s’appelle le SCAMMPERR (Scamper). Ce nom vient des acronymes des verbes dont se compose la liste des actions à effectuer dans le cadre de cette approche : Substituer, Combiner, Adapter, Magnifier, Modifier, Produire, Eliminer, Réorganiser et Renverser. Le but de la méthode est de cerner en détail le maximum d’idées possibles pour en en recueillir la (les) meilleure (s).
    Mais, les idées de génie sont comme le jackpot, n’es-ce pas ! C’est une question de chance, de grande chance même, pour pouvoir un jour crier « eurêka ».

          La chance relevant du hasard (pensez à l’origine arabe du mot), certains spécialistes proposent des concepts de créativité basés sur l’aléatoire. Roger Von Oech en est l’illustration parfaite quand il nous invite à jouer avec le Dodécaèdre pour trouver des idées. Un volume géométrique que vous pouvez confectionner vous-mêmes et explorer toutes les associations d’idées possibles avec ses douze faces. Le principe de base y est simple : au fur et à mesure que l’on joue, on induit des idées par improvisation dans le but de faire sortir la pensée de sa rationalité normative et dégager la plus originale. Est-ce efficace ? Tentez-votre chance !

          D’autres méthodes sont aussi intéressantes comme : La pensée latérale et les chapeaux de Edward de Bono ; La créatique de Michel Demarest ; Le PAPSA de Hubert Jaoui ; L'inventique de Michel Fustier ; Les quatre personnages de Roger Van Oech ; La bissociation d'Arthur Koestler ou Les techniques de détour de Guy Aznar.

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  •      Bien que le Maroc connaisse un engouement sans précédent pour les NTIC, bien que les chaines satellitaires aient élu domicile dans chacun des foyers de notre pays, bien que le web ait donné un véritable coup de fouet à l’image en la faisant passer du statut analogique à celui interactif…, l’impact de l’icône au Maroc reste , en général assez faible. Où se situe le flou ? Que faut-il prendre en compte pour redonner vue et regard à l’image au Maroc ?


          Dans l’état actuel des choses, l’image parait à faible impact sur le grand public. A entendre par l’image celle dite reproductive : fixe, de mouvement ou interactive.
          Si dans le monde occidental l’image est au cœur de la vie de l’individu, fait la Une, provoque des réactions de masse, nourrit l’imaginaire du collectif, véhicules des valeurs, façonnent la pensée et les actes, chez nous elle reste peu influente. Est-ce que cela signifie que l’intérêt pour l’image n’existe pas ?
    L’industrie de l’image au Maroc a connu un développement énorme depuis pas mal d’année. Mis à part les différents problèmes dont souffre ce secteur, force est de constater que le professionnalisme est de mise. Les procédés et les techniques de production sont à l’image de ce qui se fait dans les pays développés. Seulement voilà, le travail de l’amont dépend de l’accueil de l’aval. Et l’aval de «l’œil spectateur» n’est pas une mince affaire !

          Le créateur se frotte la tête, le spectateur les yeux !

          Si le créateur se donne toutes les peines du monde pour trouver une image innovante, originale, efficace et efficiente, en se remuant les méninges sans cesse et en adoptant un ensemble d’approches techniques pour y arriver, un seul coup furtif suffit à «l’œil» pour évaluer l’intérêt d’une image et décider de la regarder, ou simplement la voir, ou faire comme si de rien n’était.
    Pour cela, l’œil fait un balayage (scanning) court ou long (selon notre imagerie mentale), pour ensuite s’intéresser à la «recréation» de l’image. Une phase de construction des sens commence dès l’accroche. Une perception (acquisition d’un sens global par l’œil) suivi d’une attitude mentale plus motivée pour la construction d’un ou des sens. C’est la phase de la représentation qui conditionne celle de la « recréation » propre. Celle-ci obéit à des opérations psychiques bien plus complexes que la simple perception de l’image par un simple acte de «voir».
          L’attitude de l’œil-spectateur est un facteur déterminant dans l’impact de l’image. A ce titre il est intéressant de signaler que face à une image, notre activité rétinienne ne représente que 20% de celle du cortex visuel. En effet, les 4/5 de ce qu’une cellule CGL (Corps Grenouillé Latéral) voit défiler viennent des autres régions du cerveau. Cela veut dire que le regard et l’impact qu’il peut déclencher, ne dépendent pas uniquement de la vision. Ce qu’on expose à son regard n’est pas tributaire exclusivement de la matérialité de l’image.

          Détour de rappel

          Difficile de se hasarder plus loin avant de faire un rappel épistémologique, certes succinct et simpliste, mais qui a toute son importance.
    Pour cerner la notion du mot image, de manière didactique, disons qu’elle est de deux types : mentale et perceptive.
          Celle mentale relève de tout processus entrepris par le cerveau afin de représenter, en recourant à la mémoire ou à l’imagination, une certaine réalité et ce, sans stimulus visuel externe de l’instant. Cela revient à dire que la perception n’est pas sollicitée. Cela ne veut pas dire non plus que le stimulus, ou l’image mentale entière, ne soit pas lié à un visuel déjà emmagasiné dans le cerveau.
          Cette image mentale se veut consciente ou inconsciente.
          Consciente, elle touche toutes nos images de mémoire. Celles qu’on a perçues ; déconstruites (décodés) et reconfigurées (recrées) pour les besoins (désirs, attentes,.. ;) du moment. Cette image mentale consciente est le champ occupé par notre culture générale, notre perception visuelle et notre aptitude à regarder. C’est elle qui régit le regard chez l’homme.
          Celle inconsciente est encore plus profonde. Elle embrasse nos rêves, nourrit nos fantasmes, alimente nos délires, etc. Elle trouve ses origines dans tout ce que notre cerveau a pu emmagasiner par perception et reconstruit volontairement ou inconsciemment. L’image mentale inconsciente a le privilège d’être incontournable. Elle vient à sa guise et disparait quand cela lui chante.

         Les images perceptives quant à elles sont celles qui naissent chez l’homme par le biais d’un stimulus visuel. Depuis notre premier regard de bébé. Elles sont dites naturelles ou reproduites.
           Par image naturelle, on entend toute l’activité imageante de notre cerveau. Autrement dit, la vision. Celle-ci se développe chez nous dès notre naissance. Elle obéit à une activité neuronale très complexe.
          L’image matérielle, dite aussi de représentation, concerne tout ce que le cerveau emmagasine en tant qu’images : dessins rupestres, photos, vidéos, images numériques, télévisées, etc. C’est cette image dont on déplore la faiblesse de l’impact au sein de la société marocaine.
          En effet, pour qu’il y ait impact, il ne suffit pas seulement que l’image soit techniquement et/ou artistiquement parfaite. L’activité rétinienne comme on l’a vu plus haut ne représente que 20% de l’activité imageante chez l’homme. D’autres facteurs intramuros à l’individu doivent être pris en compte.

          Comment le Marocain «recrée» une image ?

         Dans la mesure où le regard est d’abord le reflet de l’individu lui même, quelle part est réservée à la connaissance de cet individu bien peu particulier : le Marocain ? L’image qu’on expose à son regard partage avec lui ses projections, ses codes culturels, etc.? Autrement dit, est-ce que le créateur obéit juste à la temporalité du regard (il compose une communication iconique qui sera «lue» et fait donc fi de l’étape de la perception) ou prend-il en compte l’aménagement de canaux communs avec le spectateur pour déclencher cette perception et accrocher le regard (représentation) dans une perspective «récréative»?
          La simple question «comment un marocain lit une image publicitaire ?», est une problématique qui pourrait faire l’objet de recherches dans différentes disciplines au sein de nos universités. Hélas, la culture de l’image n’est pas encore une priorité dans le secteur de l’éducation, ni l’objet de recherches scientifiques dignes du nom. Les ouvrages qui existent sur l’image au Maroc, surtout pour un secteur aussi névralgique que la publicité, se comptent sur le bout des doigts.
          Pour synthétiser, disons que l’impact que doit avoir l’image de reproduction au Maroc, ne dépend pas uniquement du processus de production, ni des systèmes, ni des concepts normatifs ou autres outils techniques. Elle est aussi tributaire de facteurs mentaux fort complexes et intrinsèques au Marocain. Ce sont ces facteurs qui «conditionnement» les trois étapes auxquelles recourt chaque individu doué d’une aptitude cognitive: la perception, la représentation et la recréation du (ou des) sens.

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